23 Avril 2019

[INSIGHT] De battre le cœur de Mars a commencé

A l’heure où le sismomètre français SEIS détecte ses 1ers tremblements martiens, dans le cadre de la mission Insight, zoom sur les activités du CNES au sein du SISMOC et sur le rôle de Charles Yana, chef de projet exploitation SEIS au CNES. Témoignage.
Plusieurs tremblements ont été détectés par SEIS il y a quelques jours à la surface de Mars, pouvez-vous en dire plus ?

Charles Yana : Il s’agit des 1ers événements sismiques détectés sur Mars par SEIS, et ils démontrent la pertinence de la mission InSight et les excellentes performances de l’instrument français. Le plus emblématique d’entre eux – nommé Sol 128 (128è jour martien de la mission Insight) – est daté du 06/04/2019. Il proviendrait de l’intérieur de la planète – par opposition à un mouvement causé par le vent – bien que les scientifiques n’en soient toujours pas tout à fait sûrs à l’heure actuelle.

Il s’agit d’un tremblement de Mars de très faible amplitude, qui ne pourrait par exemple pas être détecté sur Terre par les meilleurs instruments. Cela pourrait correspondre à un petit séisme superficiel ou un petit impact.

Néanmoins, l’analyse de ce type de phénomène d’une plus grande magnitude permettra aux scientifiques (planétologues et sismologues) d’affiner leurs modèles en fonction du type de séisme détecté (détection relative des ondes de surface et des ondes de profondeur, magnitude estimée, vitesse de propagation), et commencer à en savoir un peu plus sur l’intérieur de Mars, la composition et l’épaisseur du manteau, de la croute. En bref, c’est une période intéressante et très stimulante car on commence effectivement à écouter battre le cœur de Mars pour de vrai !

Les 1ers tremblements de Mars enregistrés par SEIS le 06/04/2019. Crédits : NASA/JPL-Caltech/CNES/IPGP/Imperial College, London.

Vous êtes chef de projet exploitation SEIS au CNES, qu’est-ce que ça signifie et quel est votre rôle ?

C.Y : Mon rôle en tant que chef de projet exploitation comporte 2 dimensions majeures : à l’échelle nationale, je coordonne le travail de l’équipe CNES qui assure les opérations du sismomètre SEIS. Je fais également le lien avec les équipes scientifiques  françaises (en particulier l’IPGP et le PI de SEIS Philippe Lognonné). Au niveau international, j’assure l’interface avec les partenaires européens et américains (JPL) pour les aspects liés aux opérations, en particulier avec les équipes d’ingénieurs qui ont connu et réalisé les différentes parties de l’instrument à l’Institut de Physique du Globe de Paris, à l’IC, à l’ETHZ et au MPS.

Francis Rocard, responsable des programmes d’exploration du Système Solaire au CNES, coordonne quant à lui les aspects programmatiques avec la NASA et les partenaires européens et scientifiques avec la communauté de SEIS. L’objectif du CNES in fine est de fournir aux équipes scientifiques les meilleures données sismiques et météorologiques possible, de manière fiable et sécurisée, tout en assurant la programmation de l’instrument SEIS et le suivi constant de sa bonne santé depuis la Terre.

Tout cela nécessite des moyens humains et matériels importants au CNES. Je m’appuie donc sur une équipe d’une quinzaine de personnes au CNES Toulouse, au sein d’un centre de mission appelé le SISMOC.

Pouvez-vous en dire plus sur le fonctionnement du SISMOC (SeIS on Mars Operation Center) ? Quelles sont les similitudes et les différences avec le FIMOC (French Instrument Mars Operation Center) de la mission MSL ?

C.Y : Il s’agit d’un centre de mission développé par le CNES à Toulouse dans le cadre d’InSight. On y reçoit les données de SEIS et d’APSS envoyées par le JPL en Californie, on les traite avant de les mettre à la disposition de la communauté scientifique du monde entier.
C’est également depuis le SISMOC que sont envoyés les ordres de commande pour l’instrument SEIS. Des réunions opérationnelles entre l’équipe française et le JPL y sont régulièrement organisées.

On peut faire un parallèle avec le FIMOC, dans la mesure où on y opère un instrument français sur Mars, dans une mission menée par la NASA. Le contenu est différent, mais le cadre des opérations est similaire au projet MSL. Les missions martiennes sont toutes particulières mais les opérations associées ont des similitudes : les communications avec les orbiteurs, les conditions météorologiques à la surface (on n’opère pas de la même manière pendant l’hiver ou l’été sur Mars), les oppositions solaires (perte de communication avec Mars pendant 3 semaines tous les 2 ans environ quand le Soleil se trouve entre la Terre et Mars). La plupart des personnes impliquées dans les opérations InSight (CNES comme JPL) ont travaillé précédemment sur le projet MSL.

La différence majeure réside dans le fait que le SISMOC est le seul centre d’opérations de SEIS et que les équipes y travaillent toutes les semaines.

En savoir plus