18 Juillet 2019

InSight : opérations de sauvetage de la sonde HP3 en cours sur Mars

Les opérations de redéploiement de l’instrument HP3 ont commencé sur Mars, avec le support du sismomètre SEIS. Le point sur la situation et les opérations à venir.

Suite à son atterrissage sur Mars le 26 Novembre dernier, la sonde InSight a déposé sur le sol martien deux instruments : le sismomètre français SEIS et la sonde de température allemande HP3. Si le déploiement et le fonctionnement de SEIS sont nominaux, ce n’est pas encore le cas pour HP3.

L’objectif de ce dernier est d’enfoncer sa taupe (la « mole ») à 5m sous la surface en tirant derrière elle un ruban bardé de capteurs de température, afin de mesurer pour la première fois les flux de chaleur sous la surface de Mars. Les activités de forage, ou « hammering », n’ont permis d’atteindre que 30cm de profondeur. Plusieurs hypothèses étaient envisagées pour expliquer le blocage de la taupe. Le bon fonctionnement du mécanisme de forage a pu être confirmé grâce à l’écoute sismique des impacts effectuée avec SEIS. Une pierre ou une plaque rigide sous la surface pourrait bloquer l’avancement de la taupe. Il pourrait également s’agir d’un manque de friction autour de la taupe, qui a besoin de s’appuyer sur le milieu qui l’entoure (sable, régolithe, etc.) pour pouvoir s’enfoncer dans le sol grâce aux frottements.

La taupe n’a pas pu sortir de sa structure et cette dernière empêchait aux caméras de distinguer visuellement l’environnement autour de la taupe. Le JPL et le DLR, responsable de l’instrument HP3, ont mis en place un plan d’action en 3 étapes. D’abord, soulever un peu la structure d’accueil afin d’avoir un visuel de la taupe, et s’assurer qu’elle n’est pas mécaniquement coincée dans sa structure d’accueil.

Ensuite, soulever de plusieurs centimètres au-dessus du sol afin de pouvoir sortir complètement la taupe de sa structure et bénéficier d’une image complète de l’environnement de la taupe. Il est néanmoins très complexe d’imager la taupe car la caméra permettant cela est située sur le même bras qui est utilisé pour soulever la structure. Il n’y a donc pas une grande liberté de prise de vue. Enfin, la dernière étape consiste à déposer la structure sur le sol martien une fois confirmé le succès des étapes précédentes. Les équipes du DLR pourront alors reprendre les activités de forage et commander à la taupe de s’enfoncer dans le sol. En cas de pierre qui empêchait la progression, le fait d’avoir dégagé la taupe de sa structure (qui faisait office de fourreau) lui permettra de contourner la pierre et continuer sa progression vers les profondeurs de Mars.

La préparation de ce plan de secours de l’instrument HP3 a fait l’objet d’une intense phase de réflexion par les équipes du DLR et du JPL depuis le mois de mars. Le JPL bénéficie d’un modèle sol d’HP3 permettant de tester le plan d’action mis en place sur le banc de test dédié au JPL, couplé à un modèle sol de l’atterrisseur InSight. Ces tests sont décrits sur le site du JPL : https://mars.nasa.gov/news/8445/insights-team-tries-new-strategy-to-help-the-mole/?site=insight

La première étape consistant à soulever légèrement la structure a eu lieu le 23 juin et le résultat est visible sur l’image suivante, permettant clairement de voir la taupe.

La deuxième étape consistant à soulever de plusieurs centimètres a été exécutée sur Mars le 26 juin, visible sur l’image ci-après :

On y voit un trou autour de la taupe beaucoup plus large qu’attendu, ce qui viendrait accréditer l’hypothèse d’un manque de friction empêchant la progression. Mais cela ne veut pas forcément dire qu’il n’y a pas également une pierre qui gêne la pénétration …

Enfin la dernière étape consistant à redéposer la structure d’HP3 sur le sol martien a eu lieu le dernier week-end de juin et s’est déroulée également avec succès :

Les équipes opérationnelles de SEIS sont impliquées de deux façons dans ces activités depuis le centre de mission SISMOC à Toulouse. Tout d’abord au niveau management s’assurant que les activités prévues n’auront pas d’impact négatif pour SEIS, et en donnant un « Go » de l’équipe SEIS pour ces activités. La condition pour SEIS était de ne pas rapprocher la structure d’HP3 du sismomètre, qui en l’occurrence a été éloignée d’une dizaine de centimètres, en se rapprochant de l’atterrisseur. Ensuite au niveau opérationnel en adaptant les activités de SEIS au plan de secours :

  • réduction de la bande passante utilisée afin de faciliter la transmission des images de diagnostic des caméras,
  • réduction de la consommation de puissance de certains sous-systèmes, car il fait de plus en plus froid sur Mars et l’énergie disponible diminue avec la poussière s’accumulant sur les panneaux solaires,
  • fourniture des données de vent de la station météo APSS afin de sécuriser les activités de redéploiement de la structure,
  • et à venir la modification de la configuration de SEIS dans un mode d’écoute adapté à la surveillance du forage quand celui-ci reprendra.

SEIS va donc être utilisé pour surveiller HP3 et participera pleinement aux activités de secours de l’instrument allemand, dans le cadre d’une collaboration DLR-JPL-CNES remarquable qui va bien au-delà de la mission originale de SEIS.

Le rythme des opérations a également été adapté à ces activités, la fréquence de programmation repassant temporairement d’hebdomadaire à une programmation tous les 3 jours pour HP3 et le bras robotisé.

Les équipes du DLR vont maintenant pouvoir commander à la taupe de continuer à s’enfoncer dans le sol, et l’on devrait voir dans les prochains jours cette dernière disparaitre dans le sol martien en tirant derrière lui le ruban de capteurs. La pelle située en bout de bras va être alors utilisée en même temps pour venir appuyer sur le sol au plus près de la taupe, afin de combler un peu le trou et d’augmenter la friction et permettre à la pénétration de reprendre avec succès.

Toutes ces opérations se déroulent dans un contexte particulièrement exigeant, car les températures de plus en plus froides sur Mars et l’énergie de plus en plus limitée rendent plus difficiles l’utilisation du bras robotisé au fil des sols (ou jours martiens). Enfin, les équipes opérationnelles doivent réaliser ces étapes avant la conjonction solaire qui verra le Soleil entre la Terre et Mars empêcher toute communication avec InSight. La conjonction démarre le 24 août, le temps est compté, et tous les efforts des équipes d’InSight sont tournés vers la réussite du « redéploiement » et de la pénétration de l’instrument HP3 d’ici là.